Le ténébrion : vous connaissez ?
Le ténébrion est un insecte de la famille des coléoptères, très fréquent dans les élevages de volailles. Comme il a de nombreux effets néfastes, il est important de maîtriser sa présence en élevage.
Pour mieux l'appréhender, nous avons interrogé Christèle Goudeau, vétérinaire du laboratoire Elanco.
Pouvez-vous tout d’abord nous rappeler le cycle du ténébrion ?
La femelle adulte pond des œufs qui vont éclore et donner naissance à des larves. Celles-ci pourront subir 6 à 10 stades larvaires (1). Les larves du dernier stade larvaire vont se transformer en pupes qui donneront naissance à des adultes. La vitesse de réalisation du cycle est fonction de la température. Ainsi, le cycle s’accélère durant les périodes chaudes de l’année (printemps/été) mais néanmoins le ténébrion est capable de survivre dans les bâtiments sur les autres périodes de l’année.
Pourquoi est-il aussi fréquemment retrouvé dans les bâtiments avicoles ?
1- C’est un insecte d’origine tropicale qui a besoin de chaleur, de nourriture et d’humidité pour proliférer. Il se multiplie idéalement à des températures comprises entre 15 et 32 °C (1) ce qui expliquent que les bâtiments de volailles soient des lieux propices à leur développement. Les adultes et les larves sont mycophages (se nourrissent de moisissures) : on les observe essentiellement sous les mangeoires et les lignes d’abreuvement pendant la période de production des volailles. Les larves se nourrissent également de protéines animales d’où leur attrait pour les cadavres. Au vide sanitaire, dès que le bâtiment se refroidit après l’enlèvement des volailles, les adultes vont migrer sur les parois et pourront coloniser les matériaux d’isolation pour y trouver le confort thermique nécessaire à leur survie.
2- C’est un insecte à durée de vie longue et à forte prolificité :
La femelle adulte ténébrion peut vivre entre 2 et 12 mois (1). Elle peut pondre en moyenne 3,5 œufs par jour (2) et peut produire jusqu’à 2000 œufs (1) durant toute sa vie. L’importance des populations de ténébrions est généralement sous-estimée dans les bâtiments de volailles. En effet, les adultes sont souvent les formes parasitaires remarquées par les intervenants dans l’élevage alors que les larves sont plus difficiles à observer : leur mise en évidence nécessite d’aller inspecter les dessous de mangeoires ou de lignes d’abreuvement en grattant la litière pour visualiser si une grande quantité de larves y résident. Il faut savoir que les larves sont 25 fois plus nombreuses que les adultes.
3- C’est un insecte mobile. Il est donc capable de se déplacer lorsque les conditions lui deviennent défavorables. Les adultes et les larves pourront migrer dans les zones réservoirs du bâtiment (les isolants, le sol, les anfractuosités des soubassements et des parois) lors du vide sanitaire. Les ténébrions adultes sont également capables de coloniser d’autres bâtiments en parcourant de longues distances (jusqu’à 16 km).
Pourquoi est-ce important de maitriser le développement des ténébrions dans son élevage ?
1-Le ténébrion est vecteur de maladies (4 à 10).
Les ténébrions vivent dans la litière et sont exposés aux fèces d’oiseaux potentiellement malades. Ils peuvent donc constituer des vecteurs passifs de germes. Les poulets peuvent se contaminer en les picorant dans la litière. Il a également été prouvé que les ténébrions porteurs de germes pouvaient contaminer l’aliment en se déplaçant dessus.
Les ténébrions transmettent des bactéries pathogènes comme Salmonella, E. coli, Campylobacter et Clostridium. Concernant les salmonelles, il a été démontré que ces bactéries pouvaient subsister dans la pupe pendant la nymphose (5). Celles-ci se développent dans les isolants après la migration des ténébrions lorsque le bâtiment est vidé et baisse en température. Les ténébrions qui vont recoloniser le bâtiment lors de la remise en chauffe pourront ainsi ré-introduire la salmonelle et recontaminer les animaux malgré les procédures de lavage et désinfection.
Ils peuvent également être porteurs et transmettent des virus comme le virus IBD (Gumboro), le virus de la maladie de Marek, le virus de la maladie de Newcastle, des Coronavirus et des Reovirus à l’origine d’entérites. Enfin, Ils sont peuvent être à l’origine de transmission de ténias.
2- Le ténébrion engendre des contre-performances chez les animaux :
Les poulets peuvent picorer les larves et adultes. Ils sont naturellement attirés par les insectes qui grouillent et les consomment en priorité par rapport à l’aliment. La consommation de ces insectes peut entrainer des troubles digestifs pouvant aller jusqu’à l’occlusion et des baisses de poids. En effet, la cuticule qui enveloppe les ténébrions (larves et adultes) est indigeste (11). Il a également été démontré que la mise en place d’une lutte efficace contre ces nuisibles permettait de gagner 4 points sur l’indice de consommation (12). Le gain économique de 4 points d’IC, permet une économie de 800€ pour 30 000 poulets (sur la base d’une valorisation de l’aliment à 350 €/ T et en estimation le poids des poulets à l’abattage à 1,9 kg).
Les ténébrions peuvent également induire des micro-morsures sur la peau des volailles et engendrer du nervosisme (15).
3- Le ténébrion altère l’état de fonctionnement des bâtiments
Les ténébrions sont susceptibles de provoquer des destructions sur à peu près tous les types d’isolants (y compris le bois) en construisant des galeries. Différentes parties du bâtiment peuvent être altérer (murs, plafond, pignons…). 25% d’une isolation peut être détruite en 1 an sans contrôle efficace sur les ténébrions (13). Les pertes d’isolants dans les structures du bâtiment sont à l’origine de ponts thermiques qui induisent des pertes de chaleur et des gaspillages énergétiques (14). Il peut s’en suivre des refroidissements localement dans le bâtiment qui peuvent induire des dégradations de litière et des entérites.
Interview recueillie par Cyril Boissieu, DMV Chêne Vert
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Cyril Boissieu a obtenu son doctorat en 2004 et il exerce en filière avicole au sein du cabinet Chêne Vert depuis 2010, sur le site de Saint Mars la Brière (72).