Depuis plusieurs années, afin de permettre une réduction de l’utilisation d’antibiotiques en élevage, la vaccination par injection est de plus en plus fréquente, notamment via le recours aux autovaccins. Ces derniers sont utilisés dans de nombreuses filières, puisqu’ils permettent de protéger les animaux contre les souches de bactéries pathogènes spécifiques de l’élevage, et contre des agents infectieux pour lesquels il n’existe pas de vaccin commercial. Cependant, la vaccination par injection n’est pas une pratique sans risque pour le vaccinateur : un accident peut entraîner des complications parfois graves, pouvant nécessiter la consultation d’un médecin, une chirurgie, ou encore un arrêt de travail.
Dans ce contexte, le 21 avril 2021, l’ANSES a publié un rapport d’étude de toxicovigilance sur les piqûres accidentelles avec des vaccins vétérinaires, suite à un bulletin de vigilance publié en novembre 2020. Ce rapport dresse un état des lieux des accidents d’injection liés aux vaccins vétérinaires ayant été rapportés aux Centres Anti-Poisons (CAP), et met en évidence d’éventuels facteurs de risque en lien avec les circonstances des accidents. Dans ce but, les données des CAP français entre le 1er mai 2016 et le 30 septembre 2018 ont été étudiées, ce qui représente en tout 199 cas retenus.
Des accidents principalement chez les professionnels du porc et de la volaille : La majorité des appels passés aux CAP concerne des accidents professionnels (89 %), principalement du monde agricole (75 %), salariés comme exploitants. Les filières les plus touchées sont la volaille (33 %) et le porc (28 %) (Figure 1).
Figure 1: Nombre de cas de piqûre accidentelle recensé par les CAP par des vaccins vétérinaires chez l’Homme selon le type d’animal ou d’élevage entre mai 2016 et septembre 2018. Source : SICAP
Des accidents qui concernent surtout la main et les doigts : Le siège de la piqûre est majoritairement la main (68 %), et en particulier les doigts (51 %). Les piqûres au pouce et à l’index représentent à elles seules 37 % des accidents (Figure 2).
Figure 2: Localisation des accidents d'injection de vaccins vétérinaires chez l'Homme recensés par les CAP entre mai 2016 et septembre 2018 (1)
Des accidents liés aux utilisations multiples d’une même aiguille : Dans de nombreux élevages, et en particulier en porc et en volaille, les aiguilles sont réutilisées sur plusieurs animaux à la suite, c’est pourquoi la plupart des accidents proviennent d’aiguilles souillées (86 %).
Des accidents qui peuvent avoir des complications, parfois à long terme : Dans les 72h suivant l’injection, une large majorité des appelants (93 %) ont eu des complications liées à l’injection. Parmi les plus courantes, on peut citer l’inflammation (93 %), la douleur (85 %), ou encore l’œdème (72 %). Parmi les plus graves, 9 % des appelants ont présenté des complications septiques, et 14 % ont nécessité une chirurgie. Le risque de chirurgie est plus important en cas de piqûre à la main ou de vaccin possédant un adjuvant huileux. Au cours du suivi, un à six mois après l’injection, 20 personnes (10 %) présentaient encore des séquelles, comme une raideur, une douleur, ou une perte de sensibilité de la zone d’injection.
Des accidents pouvant être à l’origine d’arrêts de travail : 29 % des personnes suivies au cours de l’étude ont nécessité un arrêt de travail, allant de 1 jour à 4 mois. La durée moyenne de l’arrêt est de 23 jours, et le risque d’arrêt est plus important en cas d’injection d’un vaccin huileux comparé aux autres adjuvants.
Cette étude ne concerne que les accidents ayant fait l’objet d’un appel au centre antipoison, souvent à cause de complication. Le nombre d’accident avec complications est donc à relativiser par rapport à l’ensemble des vaccinations réalisées en élevage chaque année en France. Au cours de l’année 2018, plus de 106 millions de doses de vaccins injectables ont été administrés en filières volaille.
Ces accidents restent donc rares dans les chantiers de vaccination, et le plus souvent bénins. Pour autant, les vaccins sont des médicaments vétérinaires, qui doivent être manipulés avec vigilance, et conformément aux préconisations d’emploi.
La prévention de ce type d’accidents doit passer en priorité par le rappel lors des chantiers des bonnes pratiques de vaccination, mais aussi par une cadence, une durée et des conditions de vaccination adaptées à l’espèce, l’âge des animaux ainsi que l’expérience des vaccinateurs. L’utilisation de gants de protection résistants à la perforation est recommandée, car la majorité des accidents concerne des piqûres à la main.
Figure 3: Exemple de gant de protection, gants anti-coupure spécial manutention lourde KRYTECH 386 (2)
En cas d’injection accidentelle sur un chantier de vaccination, la victime doit arrêter son activité, laver la plaie au savon et faire tremper la main dans une solution antiseptique avant de consulter au plus vite un médecin, un centre hospitalier spécialisé dans les mains, ou de contacter un Centre Antipoison. Au cours de la consultation ou de l’appel, la victime de l’accident devra fournir le nom du vaccin (et si possible, la présence d’adjuvant huileux ou pas), le numéro de lot et le laboratoire de fabrication, décrire le plus précisément possible le siège de la piqûre, et les circonstances de l’accident (aiguille souillée…). En cas de symptôme, une évaluation médicale précoce est recommandée, pouvant être suivie d’une demande d’avis chirurgical.
Les accidents d’injection de vaccins vétérinaires concernent majoritairement les professionnels de l’élevage, et doivent être considérés lors de la mise en place des chantiers de vaccination. Si la grande majorité des accidents sont bénins, l’alerte est toutefois essentielle : une prise en charge dans les premières heures suivant la piqûre limite les risques de complications, en particulier en cas d’apparition de symptômes locaux (rougeur, douleur, gonflement…).
Article rédigé par Claire Maltret, DMV Chêne Vert
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Claire Maltret a obtenu son doctorat en 2020 et elle exerce en filière avicole au sein du cabinet Chêne Vert aux Essarts (85) depuis février 2021.