Un été exceptionnel
Après un été chaud un hiver rude ?
Météo France n’a pas même attendu fin août pour qualifier l’été de plus chaud depuis celui de 2003. Question température élevée, le printemps était déjà classé à la troisième place des printemps depuis 1900 (figure 1). Chaud et sec puisque les précipitations ont été rares et peu abondantes excepté très localement sous de violents orages. Les conséquences en élevages avicoles ont été relativement moindres que ce que l’on aurait pu craindre : les équipements dans les bâtiments et la possibilité d’utiliser abondamment la brumisation, par temps sec, ont limité les mortalités par coup de chaleur. Mais, on l’a tous constaté, certains lots ont souffert de l’accumulation de journées chaudes et les impacts de cet été brulant sont beaucoup plus sévères sur nos cultures et sur l’environnement. Face à ces situations exceptionnelles qui pourraient devenir banales, le mot qui revient le plus souvent est celui d’adaptation.
Influenza Aviaire : record dans les six premiers mois de l’année 2022
Exceptionnelle également est la situation sanitaire en aviculture en cette rentrée 2022.
A la fin du printemps, l’épizootie d’IAHP[1] était déjà qualifiée d’ampleur inédite ; c’est peu dire ! En Europe, 36 pays touchés, près de 2500 foyers en élevages, plus de 3000 cas dans la faune sauvage ou les oiseaux captifs. La France est le pays le plus touché en Europe avec 1378 foyers et plus de 16 millions de volailles abattues (au 22/06/22)[i]. La maladie a concerné d’abord le Sud-Ouest (362 foyers) lors de la migration descendante des oiseaux, puis le Grand-Ouest (860 foyers en Vendée et départements limitrophes) à leur retour, toutes deux liées à un virus H5N1, le clade 2.3.4.4.b qui persiste au niveau mondial depuis des années (figure 2).
Dans cette vague déferlante, on peut tout de même se féliciter de quelques succès des mesures de prévention : dans le Nord, à Manciet dans le Gers, à Hastingues dans les Landes, pour les 6 foyers bretons et les premiers cas en Vendée et Deux-Sèvres : la mise à l’abri et le renforcement de la biosécurité peuvent limiter les introductions du virus en élevage et sa diffusion.
Figure 2 : Nombre hebdomadaire de foyers de « volailles » détectés en France durant la saison 2021-2022 entre le premier foyer détecté le 21/11/2021 et le 19/06/2022, par aire de répartition géographique.[iii]
Derrière les chiffres records et les cartes qui se remplissent d’autant de points rouges que d’élevages contaminés (figure 3), nous sommes tous mis à rude épreuve ; en premier lieu l’éleveur qui voit son cheptel malade puis euthanasié, qui doit suivre des procédures rigoureuses d’élimination des cadavres, du fumier ou du lisier, des programmes draconiens de décontamination, etc. La gestion d’autant de foyers est également un casse-tête pour tous, organisations professionnelles, administrations, vétérinaires sanitaires, équipes d’intervention…
Figure 3 : Densité des foyers de volailles d’IAHP H5 en Europe entre le 01/08/2021 et le 27/06/2022[iv]
La crainte de l’endémisation
Dès fin juin, l’ANSES alertait sur le risque d’endémisation, c’est-à-dire de persistance du virus localement dans nos régions. De fait, alors que le virus Influenza est habituellement un virus de saison froide, de nombreux oiseaux sauvages sont retrouvés morts cet été sur les côtes de Bretagne et de Pays de Loire. Goëlands argentés et Fous de Bassan notamment ont été analysés et trouvés positifs au H5N1 HP.
Il a fallu s’adapter à cette situation exceptionnelle. Le virus circule à présent dans des populations résidantes et non migratrices. Le risque de contamination pour nos élevages est permanent. Après la mise en place de ZCT, Zones de Contrôle Temporaire, pour chaque cas identifié, la Bretagne décide de passer à la mi-août sur ses 4 départements en zone de contrôle globale, suivie par la Loire Atlantique et la Vendée. Cette mesure a pour effet de mettre à l’abri les volailles de plein air, d’inciter à renforcer la biosécurité et la détection. Jusque-là, la surveillance réglementaire était évènementielle, c’est-à-dire basée sur l’apparition de signes cliniques ou de mortalités suspects. Certaines filières, notamment pour les palmipèdes, avaient déjà mis en place des dépistages systématiques. La mise en place des ZCT institue une surveillance programmée, des prélèvements hebdomadaires ou avant mouvements, pour certains types d’élevages (Figure 4).
Figure 4 : Principe de la surveillance Programmée en ZCT
Plusieurs foyers estivaux de Grippe Aviaire, vigilance pour cet automne
Les craintes de contamination via l’avifaune sauvage étaient justifiées puisque plusieurs élevages ont été contaminés. Dans toute l’Europe, entre le 1er août marquant le début de la saison « 2022-2023 » et le 28 août, 32 foyers ont été identifiés[ii], quasiment tous du sous-type H5N1. En France, sur la même période, on comptabilise 2 foyers en Bretagne et 1 dans l’Ain[2].
L’inquiétude est double, en lien avec la pression d’infection du virus persistant sur certaines populations d’oiseaux sédentaires et les possibles nouvelles introductions via les migrateurs de retour fin d’été début d’automne. Les questions pratiques de gestion d’une épizootie restent nombreuses : quelles procédures d’euthanasie alliant efficacité, sécurité et souci du bien-être animal ? quelles capacités d’élimination des cadavres et des effluents ? quels systèmes de surveillance précoce ? Certains travaux ont été menés ou sont en cours pour tenter d’apporter des réponses à ces questions.
Avant d’imaginer devoir faire face à des contaminations en chaîne, il est de notre responsabilité commune d’atteindre un niveau de prévention exemplaire :
- La biosécurité ne peut pas tout mais, on l’a vu, elle peut permettre d’éviter l’embrasement : délimitation des zones professionnelles, désinfection des véhicules, gestion irréprochable des sas sanitaires sont des mesures incontournables.
- La surveillance constante et attentive de nos animaux, soit dans le cadre réglementaire de la surveillance programmée, soit en cas d’apparition de troubles cliniques et/ou de mortalité anormale.
- Probablement une réflexion globale sur l’organisation de la production avicole pour tenter de maîtriser tous les points à risque.
- Enfin, la probable mise en place, dans certains cas, de la vaccination. Plusieurs vaccins à l’étude pourraient nous aider à vivre avec le virus de l’Influenza.
Comme pour le climat, il faut s’adapter à une situation sanitaire nouvelle. Au-delà du stress que cela peut générer et des efforts auxquels il faudra consentir, ce peut être l’opportunité d’améliorer l’organisation et la protection sanitaire de la production de nos volailles et d’en faire un atout pour l’avenir.
[1] Influenza Aviaire Hautement Pathogène
[2] Un troisième foyer en Bretagne a été détecté fin août.
[i] Rapport 2022-AST-0098 du 04/07/22. ANSES – Bilan IAHP 2022
[ii] BHVSI-SA du 30/08/2022 semaine du 22 au 28/08/2022
[iii] https://www.plateforme-esa.fr/article/analyses-phylogenetiques-du-virus-influenza-aviaire-hautement-pathogene-iahp-pour-la-saison
[iv] https://www.plateforme-esa.fr/bulletin-hebdomadaire-de-veille-sanitaire-internationale-en-sante-animale-du-28-06-2022
Article rédigé par Jean-Frédéric Reichardt, DMV Chêne Vert
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Jean-Frédéric Reichardt a obtenu son doctorat en 1995 et il exerce en filière avicole au sein du cabinet Chêne Vert depuis 2018, sur le site de Moréac.