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Séverine Chuberre

mardi 2 mars 2021

L@ Plume Verte #50 : Intérêts et limites de la biochimie sanguine en volailles

La biochimie sanguine est la mesure de paramètres sanguins qui permet d’évaluer le fonctionnement d’organes et détecter ainsi des anomalies. 

Quel est son intérêt en volaille ?

Temps de lecture : 5 minutes

Biochimie : définition et intérêt

Prenons l’exemple d’un lot de poulets boiteux : la démarche habituelle est d’effectuer une autopsie, puis de réaliser une bactériologie en cas de lésions évocatrices, et enfin de prescrire un traitement adapté. Seulement, il arrive qu’aucun pathogène ne soit mis en évidence, et qu’un traitement vitaminique mis en place sur la seule base des lésions n’améliore pas la clinique. La réalisation d’un bilan biochimique sanguin comprenant le phosphore, le calcium (libre et total), le bilan protéique, les gaz sanguins ainsi que l’ionogramme permettraient de réaliser un bilan complet de l’état métabolique du lot, et ainsi d’envisager des causes que les autres examens complémentaires ne permettaient pas de mettre en évidence. Concrètement, les poulets d’un éleveur se mettaient systématiquement à boiter à 4 jours d’âge quels que soient les traitements vitaminiques, et ce depuis 2 lots. La réalisation d’un bilan biochimique a permis de mettre en évidence que c’était une augmentation de la température de démarrage qui entrainait ces boiteries. Après un retour à la précédente température de consigne sur les lots suivants, tout est rentré dans l’ordre.

Comme le montre l’exemple ci-dessus, la biochimie permet de compléter les outils diagnostiques existants. Aujourd’hui, une autopsie peut permettre d’envisager une cause métabolique, mais il n’est pas possible de déterminer précisément la pathologie sans réaliser de biochimie sanguine. 

De plus, cette démarche diagnostique est en totale adéquation avec l’élevage de demain: elle peut permettre de corriger des désordres métaboliques qui pourraient dériver en surinfections et nécessiter l’usage d’antibiotiques. Certains déséquilibres pourraient être détectés suffisamment tôt, et corrigés avant l’apparition des signes cliniques.

Les poulets Ross 308 ont par exemple une forte sensibilité aux problèmes locomoteurs. Si la pathologie est récurrente à un certain âge dans certains bâtiments, la réalisation d’une analyse biochimique juste avant l’apparition de boiteux pourrait permettre de corriger les éventuelles carences. Cette démarche évite l’apparition de boiteux et une éventuelle surinfection bactérienne avec toutes ses conséquences économiques.

Le schéma ci-dessous présente quelques paramètres sanguins pouvant mettre en évidence une anomalie dans les grandes fonctions de l’organisme.

Poule

Illustration 1 : Quelques paramètres sanguins permettant l’évaluation du fonctionnement de grandes fonctions de l’organisme (Source : Victor Prod’homme, Chêne Vert Conseil ).

 

Biochimie : mise en pratique et limites

Lors de la suspicion de désordre métabolique au sein d’un lot, le vétérinaire devra sélectionner certains paramètres et effectuer des prises de sang sur quelques individus. Cependant, comme toute analyse, les valeurs obtenues à partir d’un lot atteint doivent être comparées avec des valeurs d’animaux sains (valeurs dites de référence) de l’espèce concernée. Ces valeurs de références dépendent de l’espèce animale, mais également du type de production, de la souche concernée ainsi que de l’âge du lot. Sans valeurs de référence adéquates, une analyse biochimique réalisée sur un lot atteint sera ininterprétable et sans intérêt. Il existe aujourd’hui des valeurs de référence utilisables pour certains paramètres dans quelques productions, mais c’est loin d’être le cas pour toutes les volailles. Une deuxième possibilité serait de comparer les valeurs obtenues avec un lot témoin non malade, qui aurait les caractéristiques les plus proches possibles du lot d’intérêt (même souche, même âge,…).

De plus, pour que le résultat soit interprétable il faut que le prélèvement soit réalisé dans des conditions très spécifiques. Par exemple, si le délai entre la prise de sang et l’arrivée au laboratoire est supérieure à 4h, des paramètres comme le phosphore par exemple ne seront pas interprétables car ce paramètre se dégrade rapidement après prélèvement. 

Ou encore, comme le montre la photo ci-dessous, s’il y a formation d’un hématome au moment de la prise de sang, le sérum obtenu sera hémolysé et donc de trop mauvaise qualité pour obtenir un résultat interprétable.

prise de sang ok  qualité prise de sang ok         prise de sang ratée  qualité prise de sang ratée

Illustration 2:
A gauche: Prise de sang réalisée correctement et obtention d’un sérum non-hémolysé après centrifugation.
A droite: Prise de sang avec formation d’un hématome et obtention d’un sérum hémolysé après centrifugation (Source : Chloé Guilloton, Chêne Vert Conseil).

En conclusion, la biochimie se développe peu à peu. Elle est un outil supplémentaire permettant de résoudre des problèmes qui restent incompris pour le moment, mais elle ne résoudra pas tout. De plus, c’est une analyse facile à mettre en pratique, par contre pour être interprétable, elle nécessite des conditions de prélèvement et d’analyse rigoureuses.

Article rédigé par Chloé Guilloton et Victor Prod'homme, DMV Chêne Vert Conseil

 

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chloé guilloton

Chloé Guilloton est issue de l'Ecole vétérinaire de Toulouse  et a obtenu son doctorat en 2018, après une 5ème année d’approfondissement en aviculture et médecine aviaire.

Depuis cette date, elle exerce au sein de Selvet à Moréac (56)

victor prod'homme

Victor Prod'homme a fait ses études à l'école vétérinaire de Oniris Nantes et a réalisé sa thèse au sein de Selvet.
Il intervient principalement sur le site de Varades (44) mais également sur celui des Essarts (85).

A propos de l'auteur

Séverine Chuberre

Séverine Chuberre

Chargée de Communication