La douleur est un mécanisme de survie indispensable d’un être vivant face à un danger pour s‘en protéger.
Reconnaitre la douleur en élevage et savoir la gérer sont nécessaires pour soigner, guérir les animaux et donc participer à leur bien-être et aux bonnes performances de l’élevage.
La douleur a été définie comme une « expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à la perception par l’animal d’un dommage tissulaire » (Molony et Kent 1997). La douleur est donc un signal d’alarme pour permettre à l’individu de modifier ses comportements et d’éviter d’autres dommages. La douleur est en ce sens un mécanisme de survie indispensable à l’animal face à un danger qui vient altérer sa santé.
Physiologiquement, les mécanismes de perception de la douleur sont les mêmes chez l'homme et chez le porc. Une stimulation du système sensoriel (mécanique, chimique ou thermique) entraine une impulsion électrique qui est conduite à la corne dorsale de la moelle épinière. Celle-ci envoie, via la voir neuronale, un message au cerveau qui donne une réponse émotionnelle. Cette réponse émotionnelle va être variable en fonction de la localisation du stimulus, de sa nature et de sa durée.
Comprendre la douleur et savoir la reconnaitre : Réussir Porc n°293, novembre 2021, Lemistre Anouck, Chêne Vert
Les conditions de bien-être des animaux en élevage s’appuient sur cinq droits fondamentaux rédigés dans le rapport de Brambel en 1965 énoncés comme « Les cinq libertés ». L’un de ces droits est « l’absence de douleur, de lésion et de maladie ». La gestion de la douleur en élevage prend alors tout son sens dans la gestion du bien-être animal.
Les causes de la douleur peuvent avoir plusieurs origines :
- physiologiques comme la mise-bas,
- des maladies comme une entérite aiguë,
- des interventions comme la castration,
- des blessures diverses liées à du matériel défectueux, à de l’agressivité des congénères ou encore à de la caudophagie
Savoir reconnaitre la douleur de ses animaux nécessite de bien les observer, de passer du temps avec ses animaux : aller dans les cases, assister aux repas… Il est important de se ménager des temps uniquement consacrés à l’observation des animaux et d’être en contact direct avec eux dans les cases de manière à percevoir les signes de douleur qui peuvent s’exprimer de différentes façons.
Les vocalises, même fréquentes chez le porc pour communiquer, apparaissent de façon plus intense lors de douleur surtout aiguë : leur durée, leur intensité témoignent de la sévérité de la douleur. Lors de castration par exemple, les fréquences peuvent dépasser les 1000 Hz.
Les comportements anormaux sont également des signes d’expression de la douleur à savoir interpréter pour agir sur les animaux en souffrance : un animal isolé qui ne se lève plus lorsque l’on rentre dans la case, un animal prostré, un animal qui fuit ses congénères, un manque d’appétit sont autant de signes comportementaux qui traduisent un mal-être ou une souffrance dont il faut ensuite chercher la cause : onglons arrachés, panaris, diarrhée…
Les lésions visibles sont aussi importantes à prendre en compte et à soigner afin de limiter la douleur : les escarres, les métrites, les nécroses d’oreilles …
Les postures anormales sont également des signaux forts de douleur : l’immobilité tonique peut traduire une douleur thoracique ou abdominale, port anormal de pattes.
Comprendre la douleur et savoir la reconnaitre : Réussir Porc n°293, novembre 2021, Lemistre Anouck, Chêne Vert
Une fois la douleur repérée, il est donc nécessaire de savoir comment soulager l’animal.
La démarche des « 3S » est l’approche qui consiste à réduire la douleur des animaux : soit en Supprimant certaines pratiques d’élevage à l’origine de douleur, soit en Substituant ces pratiques lorsqu’elles sont améliorables mais indispensables OU soit en Soulageant la douleur lorsque celle-ci n’est pas évitable ou non anticipée.
Gérer la douleur : Réussir Porc n°294, décembre 2021, Lemistre Anouck, Chêne Vert
Supprimer
Sur la base de cette approche, nous vous proposons de trouver des alternatives afin de supprimer les sources de douleur. L’arrêt de la castration illustre la suppression d’une pratique afin d’éliminer la mutilation à l’origine de la douleur. Isoler un animal blessé par ses congenères lors de stress hiérarchique par exemple, est aussi une manière de supprimer la cause de la douleur : blessures ou conflits avec les congénères.
Substituer
La seconde solution consiste à substituer les sources de douleur de façon à en limiter l’intensité. Il s’agit donc de trouver la meilleure technique, lorsque celle-ci est indispensable, pour minimiser la douleur. Lors de la réduction des pointes dentaires chez le porcelet, l’usage d’un meuleuse plutôt que la pince est plus respectueux de l’intégrité de la pulpe dentaire et est donc moins douloureux. De la même façon, lorsque la castration est indispensable pour des besoins de qualité gustative de la viande, l’utilisation d’un anesthésique local couplé à un antalgique post-opératoire atténuent de façon notable la douleur lors de cette intervention.
Soulager
Enfin lorsque la douleur est inévitable ou non anticipée, la soulager reste le dernier recours. De nombreuses maladies sont douloureuse, notamment par le développement de l’inflammation. Lors de toute douleur, qu’elle soit physiologique, traumatique ou liée à une pathologie, l’administration d’un traitement analgésique (anti-inflammatoire non stéroidien) permet de combattre cette douleur en limitant son intensité.
Cet article est rédigé par Anouck Lemistre, DMV Chêne Vert, est sorti en novembre et décembre 2021 dans Réussir Porc (n°293 et 294).
Anouck Lemistre est diplômée de l'Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse depuis 2002.
Elle a rejoint Chêne Vert la même année et exerce depuis en en production porcine sur le site de Lécousse.